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Lorsqu’ Alan Cooper (1), dans son livre « The Inmates are running the asylum », utilise le terme de persona, il ne pensait certainement pas qu’il ferait à ce point florès. Il l’invente dans l’objectif d’améliorer l’ergonomie en conception d’interface de logiciels. Le persona est une représentation fictive d’une famille d’utilisateurs, qui lui permet de prioriser les fonctionnalités attendues et de tester des scénarios. Très vite, le marketing, les ventes et la relation client ont compris tout l’intérêt d’un tel archétype.

Les avantages de l’utilisation des personae

Le premier est le partage de la vision des équipes projet. Chacun va travailler dans le même sens, pour satisfaire les attentes de l’utilisateur et favoriser l’expérience client. Le second est qu’il encourage le travail collaboratif, abaissant les barrières entre services. Le persona joue le rôle de juge de paix.

Les conditions de la création d’un persona fédérateur

S’il est un archétype, le persona n’est pas un personnage imaginaire. Il n’est pas la projection de la vision d’un service de l’entreprise. Il est bâti à partir d’éléments réels et concrets. Il ne s’agit pas de se faire plaisir en réalisant un joli portrait. Pour qu’il soit fédérateur le persona doit être défini par toutes les parties prenantes dans l’atteinte d’un objectif. Chaque service apporte sa connaissance, sa perception, pour décrire des caractéristiques précises.
Le persona est donc une construction commune qui nécessite plusieurs heures, voire plusieurs jours de travail. Un persona travaillé de manière unilatérale ne pourra jamais s’imposer à l’ensemble de l’entreprise. Il restera la lubie du département marketing ou du service commercial. Les efforts de conception n’auront servi à rien.

Les bonnes pratiques pour concevoir un persona

Lorsque les utilisateurs d’un produit ou d’un service sont mal connus des équipes en charge du développement, l’idéal est de mener des études qualitatives et/ou quantitatives. Cela évite les projections subjectives qui conduisent à la construction de personae erronés et, par ricochet, à un développement de produit non adapté au marché.
Quand on n’a pas les moyens de confier des études à des sociétés spécialisées, on peut mener des interviews auprès d’utilisateurs connus (prospects ou clients). On prend également soin de constituer une équipe projet pluridisciplinaire.
Cette équipe crée alors le persona en listant un maximum de caractéristiques : son identité (âge, genre, profession, fonction…), ses besoins, ses critères de choix, ses usages, ses contraintes, ses freins, ses objections. Il lui donne un visage, décrit son environnement familial ou professionnel, son contexte de vie, son langage. Il mentionne des verbatims.

De la bonne utilisation du persona

Le persona sert de référence pour toutes les décisions à prendre autour des produits, des services, des contenus, des choix de canaux, des interactions, des interfaces.
Certains auteurs, comme Martin Klepek (2) , remettent en cause l’utilisation des personae en marketing. Ils déplorent l’absence de méthodologie précise ou de preuves empiriques de l’efficacité de la méthode. La transposition directe à des usages marketing s’est faite, d’après Martin Klepek, sans évaluation critique appropriée. Cette situation doit amener à la prudence dans les prises de décision.
Très peu d’analyses ont été menées sur le sujet. Quoi qu’il en soit, la méthode est a minima source de stimulation pour les équipes et a pour vertu de consolider la culture client au sein de l’entreprise. Pour porter des fruits à long terme, les personae principaux doivent être affichés dans les espaces communs et «être interrogés» pour chaque nouvelle proposition de valeur.

En conclusion, la méthode des personae est utilisable dans de nombreux cas de figure impliquant les clients, à condition de respecter les précautions indiquées ci-dessus. Si elle réclame peu de moyens financiers, elle nécessite des ressources internes et l’investissement des collaborateurs. Le niveau de maturité des équipes doit être suffisant pour accepter un travail commun, centré sur les clients et les utilisateurs. Elle suppose d’abandonner le fonctionnement en silo et d’établir une véritable écoute entre les départements, en particulier le marketing et les ventes.

(1) Alan Cooper – Concepteur de logiciels et programmeur américain. Il a créé une méthodologie de conception axée sur les objectifs. Il est également auteur de plusieurs ouvrages.
(2) Martin Klepek – Enseignant à l’Université Silésienne d’Opava, Département Economie d’entreprise et Management